Piqûre de...
Nous étions en safari dans le désert du Thar, au nord-ouest de l’Inde, à 40 km de Jaisalmer. Nous sommes partis d’un village typique du désert à dos de dromadaire en direction des dunes. Au milieu d’une étendue de sable, il était prévu que nous dormions sur des lits, à la belle étoile.
Après un repas typique cuisiné au feu de bois, la nuit est vite tombée et nous sommes partis rejoindre nos lits. Il était seulement 20H30 et nous n’étions pas du tout fatigués.
Je propose à Maou d’aller se balader dans les dunes. Il faut dire que le bac à sable est plutôt grand et que c’est assez tentant ! Éclairés par la lune, pieds nus et vêtus d’un simple short, une idée me traverse l’esprit. Et si je descendais la dune allongé, en roulant sur le côté ?
Ni une ni deux, me voila en train de dévaler la dune, plutôt fier de ma cadence. A mi-course, je sens une piqûre sur mon bras droit puis, quasi simultanément, une épine s’enfoncer dans mon pouce gauche.
Il fait nuit, je ne vois pas grand-chose. J’appelle Maou, elle m’éclaire le doigt. J’essaie, en vain, d’extraire ce qui s’est introduit dans mon doigt. Rien. Ni même la trace d’une piqûre.
Et pourtant, la douleur se fait de plus en plus vive. En l’espace de 20 minutes, je me tiens le pouce, la main puis le bras entier. La douleur se propage jusqu’à mon épaule, je sens mes muscles se contracter.
Mon doigt est engourdi et dur, je le sens de moins en moins. Ma main finit par être anesthésiée, seulement de très fortes pulsations à l’endroit de la « piqûre » se font ressentir. Le fait de se trouver au milieu de nul part n’est pas rassurant.
Puisque c’est de plus en plus douloureux, nous décidons de réveiller « Soda », le chamelier qui dormait à une centaine de mètres de nous.
Il examine ma main et suppose que c’est un scarabée qui m’a piqué. Restant assez vague, il m’explique que la nuit, ces insectes sortent des dunes de sable. Il propose de m’administrer du sucre sur mon pouce pour me soulager. Il faut selon lui attendre trente minutes pour apprécier les résultats de ce remède local, il ne me propose pas de me conduire à l’hôpital. Voyant qu’au bout d’une heure, il n’y avait pas d’amélioration, on décide de prendre nos affaires, les mettre dans la jeep et de se rendre à l’hôpital. On informe Soda que ça ne va pas du tout, que l’on souhaite partir. Je lui redemande clairement s’il y a des animaux venimeux dans le désert. Il répond encore de manière vague : « non il n’y en a pas, enfin il peut y en avoir mais pas ici. Par exemple, il y a des serpents oui mais seulement là où il y a des souris. Ici non ». Alors que, pendant le repas, on a bien vu des rongeurs...
Je suis de moins en moins rassuré jusqu’à ce je sente que le niveau de douleur s’est légèrement atténué. Le sucre aurait-il fonctionné ? Les chameliers ont peut-être raison, c’est sûrement moins grave que ce que je m’imaginais.
Puisque je sais que ce n’est pas une piqûre dangereuse, je décide de rejoindre mon lit et de prendre mon mal en patience. Je fais finalement les cents pas autour. La douleur a été intense pendant trois heures. Impossible de dormir, j’ai retrouvé l’usage de mon pouce par étape. Lors de la nuit, ma main suait et était froide. Je me souviendrai longtemps de cette nuit blanche à la belle étoile.
Le lendemain, j’ai toujours mal mais c’est plus supportable. Des villageois soutiennent la théorie des insectes. Un homme me décrit la douleur que j’ai ressentie et m’explique qu’il a été piqué lui aussi, de nombreuses de fois. « Bienvenue au désert du Thar » me dit-il en souriant.
De retour à Jaisalmer, je pense de moins en moins à ce doigt qui a occupé des heures durant, tout mon esprit. Je croise Fifu, celui qui organise les safaris. Nous entretenons de bons rapports avec lui. Il me dit que Soda lui a raconté ma mésaventure et me demande de mes nouvelles. Il finit par me dire « Tu sais Geoffrey, je vais être honnête avec toi. On t’a menti, tu n’as pas été piqué par un simple insecte. Ils t’ont dit ça pour que tu ne prennes pas peur. C’est bien un scorpion qui t’a piqué, c’est sûr à 100 %. Il y en a dans le désert du Thar, ils ont tendance à sortir la nuit. J’ai moi même été piqué quand j’avais 14 ans, je m’en souviens encore... »
Bref, j’ai été piqué par un scorpion dans le désert du Thar en Inde. Il aura fallu 24 heures pour retrouver le bon état de mon pouce !