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A la rencontre des veuves blanches

A deux heures de train de Delhi, nous arrivons à Vrindavan. C’est une ville sainte frontalière de Mathura, une des ville les plus sacrées d’Inde où le dieu Krishna est né.

Nous avions pour but de rencontrer les « veuves blanches » et passer quelques jours auprès d’elles.

 

Les veuves blanches, qui sont-elles ?

 

En Inde, le mariage est souvent arrangé. Il n’est pas souvent issu d’un amour mais d’un consensus entre deux familles d’une caste similaire. Dépendantes durant toute leur vie à leur conjoint, le fait de devenir veuve est l’une des pires choses qui puissent arriver. Pire encore que le statut de divorcé. Elles ne possèdent que le revenu de leur mari. En cas de décès de ce dernier, elles n’ont plus de ressources. Autrefois, elles devaient même s’immoler auprès de leur défunt mari. Même si cette pratique a été abolie, la femme veuve perd son statut et ne peut pas se remarier. A partir du moment où son mari décède, elle perd sa possibilité de gérer ses biens et se retrouve reléguée au rang de domestique. Qu’importe leur âge, elles doivent porter un sari blanc, s’isoler et entamer un deuil à vie. Les couleurs vives et les divers ornements leur sont interdits par la société. Elles deviennent seules, ignorées mais pointées du doigt car responsables de la mort de leur mari. Il lui reste sa belle-famille qui bien souvent la méprise, lui donne très peu à manger et la fait même dormir sur le sol. On les accuse de ne pas avoir réussi à retenir l’âme du défunt, elles sont maudites. Beaucoup décident de s’enfuir quitte à errer dans les grandes villes, récitant des mantras et vivant de mendicité. Certaines arrivent jusqu’à la ville de Vrindavan, reconnue pour ces ashrams qui leurs ouvrent les portes. Selon leurs dires, elles ne peuvent désormais compter que sur dieu.

L’arrivée à l’ashram

 

A l’ashram, quand nous arrivons, nous ne passons pas inaperçus dans ce grand bâtiment qui accueille 75 veuves. Quand on les croise, elles baissent leur tête et joignent leurs mains. «  Namaste » nous disent-elles, « Bonjour » en Inde. Certaines sont discrètes, d’autres cherchent à échanger. Elles ne parlent pas anglais et savent sûrement que nous ne parlons pas hindi mais peu importe, leurs sourires en disent long.

La gérante de l’ashram parle un peu anglais et nous sert de traductrice. Elles sont curieuses et impressionnées de savoir que nous avons pris l’avion pour arriver jusqu’ici.

Vient l’heure des chants et de la prière. Avant le repas, elles se regroupent dans la salle commune et chantent en cœur des mantras. Nous sentons qu’elles sont complices et épanouies de vivre ici. Leur envie d’être entourées et soutenues est comblée. Nous imaginons que cet endroit doit être un havre de paix après toutes les étapes difficiles qu’elles ont traversées dans leur vie.

 

Elles nous appliquent un tika sur le front, d’autres nous versent quelques gouttes sacrées sur le front.

La ville de Vrindavan compte de nombreuses « maisons de veuves », dont les propriétaires indemnisent les malheureuses. Environ 5 000 femmes vivent ici en permanence.

Après avoir passé une nuit dans ce premier ashram, nous sommes allés dans un autre qui se trouvait à 20 kilomètres. Nous arrivons en plein chant, elles semblent être en communion, c’est harmonieux. Encore une fois et durant un long moment, elles répètent ensemble et en musique des paroles en effigie à leur dieu Krishna, vénéré dans la région. Elles font ensuite leur petite vie. Certaines retournent dans la chambre qu’elles partagent avec d’autres. Moi, je décide d’accompagner une veuve au temple. Elle ne parle que très peu anglais mais c’est mieux que rien. Durant deux heures, nous arpentons la ville, elle me montre les différents temples. Nous nous rendons aux bains sacrés. Elles y trempent ses pieds puis recommence à réciter des mantras. J’essaye tant bien que mal de répéter les phrases qu’elle prononce. Elle agite une coupelle contenant des fleurs et une bougie, et m’indique de bien la tenir à deux mains surtout. Elle jette les fleurs dans l’eau, je fais de même, nous pouvons y aller.

 

Des pélerins à la dévotion sans limite

 

Dans la ville, j’observe ce qu’il s’y passe et me demande où je suis. Je croise beaucoup de saddhus, je ressens l’ambiance sacrée de la ville.

Puis , je croise un nombre important de personnes avancer d’une drôle de façon. Ils tiennent un ou plusieurs caillou dans la main. Ils s’allongent posent le caillou, se relèvent avancent d’un pas puis se rallongent en reposant le caillou. Ainsi de suite. Certains semblent épuisés. On m’expliquera que c’est par dévotion pour leur dieu que ces pèlerins parcourent 3 kilomètres chaque jour de la sorte, je n’en reviens pas.

Nous revenons à l’ashram, puisqu’il fait chaud la journée, certaines veuves dorment encore jusqu’à ce que la cloche retentisse de nouveau. Les rituels reprennent, je me rends compte à quel point l’hindouisme guide et rythme leur vie. Cette fois-ci, en plus de recevoir de l’eau sacrée sur le front, une veuve m’a proposé à deux reprises de la pâte sucrée en guise de bonbon.

Ce que nous aurions aimé voulu faire à l’ashram

Que ce soit dans le premier ou le deuxième ashram, on a bien senti qu’il était difficile d’apporter son aide. A plusieurs reprises on nous a répondu « non non, laissez, allez vous reposer ». C’était plutôt frustrant car nous étions venus avec l’envie d’apporter notre aide. Il était même difficile de laver son propre plateau repas. Nous sommes vus comme des invités plus que des volontaires.

Quant aux veuves sont autonomes et s’entraident, elle sortent en ville faire leurs courses et rentrent lorsqu’elles le souhaitent. Dès le premier soir, ces dames se sont montré attachantes et on avait déjà hâte de les retrouver pour la journée du lendemain. Le lieu est très apaisant avec sa grande salle commune et son petit jardin. On voulait faire des activités avec elles et essayer le traducteur automatique pour pouvoir échanger.

Finalement, les plans ont changé. On a dû se rendre au deuxième ashram et Marianne est tombée malade. Du coup, nous sommes restés seulement deux nuits. Géo a pu sortir au temple l’après-midi et le lendemain on reprenait déjà la route pour Agra.

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