Varanasi, comprendre le rituel des crémations
Varanasi est comme la Mecque des hindouistes, c’est la ville la plus sacrée d’Inde. Dédiée au Dieu Shiva, c’est la ville qui accueille le plus de pèlerins. Chaque année, ils sont des millions à affluer et effectuer des ablutions dans le Gange. Se baigner dans ce fleuve est un rituel pour les hindouistes qui leur permet de laver tous les pêchés qu’ils ont accumulés dans leurs vies passées.
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« Bénares » comme l’appelait les Anglais est aussi reconnu pour être l’endroit où l’on vient faire son dernier voyage. Nous rencontrons un Indien qui dit intervenir dans un hospice. Il nous explique que les personnes en fin de vie y séjournent et attendent l’heure fatidique. L’heure où la mort leur ouvrira la porte d’une « nouvelle vie ». En rendant l’âme sur cette terre, les hindouistes pensent en finir avec le cycle des réincarnations et atteindre enfin le nirvana. C’est à ses côtés que nous en apprenons plus sur cette ville mystique qui attire des Indiens en masse. Ils parcourent de nombreux kilomètres et viennent des quatre coins du pays pour venir brûler le corps du défunt. S’ils ne peuvent pas organiser le transport, les cendres seront ramenées pour les jeter dans le fleuve.
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Nous sommes au Ghat Manikarnika (ensemble de marches), au bord du Gange. A cet endroit précis, chaque jour et sans interruption, environ trois cents personnes se font incinérer à ciel ouvert et aux yeux de tous. Dans cette religion, la crémation est censée libérer l’âme qui ira retrouver leur dieu Shiva.
Le décès n’a pas la même signification que dans notre société. Les hindouistes n’ont pas le même rapport à la vie que nous et n’appréhendent donc pas autant la mort. Elle fait partie de la vie, d’un cycle. Nous reviendrons tous à la cendre, il ne faut pas en avoir peur. C’est la raison pour laquelle ils voient ces cérémonies comme une fête et que nous ne voyons personne pleurer.
Le rituel
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Chez les hindouistes, ce sont les mariages et les décès qui coûtent le plus cher aux familles. Un décès, ça se prépare. Pour l’incinération, ils utilisent un bois qui résiste à la pluie et qui masque les odeurs des corps. Le bois s’achète à 350 roupies le kilo (soit 4 euros) sachant qu’il faut 150 à 300 kilos pour brûler un seul corps.
Le défunt est recouvert d’un linceul coloré et orné de fleurs. Il est plongé une dernière fois dans l’eau sacrée du Gange. Pendant ce temps, les « Doms » préparent le bûcher. Les Doms sont les Indiens qui font partie de la classe la plus basse d’Inde. S’ils s’occupent de cette tâche ingrate, c’est que l’hindouisme reconnaît comme impur tout travail qui consiste à toucher des corps sans vie. (Autre type de métier impur, celui de sage-femme car en contact avec le sang).
Quant à la famille, c’est le plus proche du défunt qui se charge d’aller allumer la torche qui servira à embraser le bûcher. (Aucune femme n’est présente car plus sensibles, les larmes ne doivent pas couler sur le lieu de la cérémonie.)
Pour cela, il se rend à la flamme éternelle qui se trouve juste à côté, à l’abri des crues du Gange. Pour l’occasion, il est habillé en blanc et doit se raser la tête. Selon la légende, à Varanasi, cette flamme ne s’est pas éteinte depuis 3500 ans.
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Une fois le corps incinéré, les cendres et restes humains finissent bercés par le courant du Gange où se baignent chaque jour des centaines d’Indiens.
Chez les hindouistes, certaines personnes sont exemptées de la crémation. Les Sadhus (ascètes religieux), femmes enceintes, enfants de moins de dix ans et personnes ayant été piquées par un cobra sont considérés comme sacrés et sont directement jetés dans le fleuve.
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Il faut savoir que même lors des crémations, la hiérarchie des castes est respectée. Alors que les castes inférieures disposent de bûchers en contre-bas, les corps des hautes castes sont incinérés cinquante mètres plus haut. Contrairement à nos valeurs occidentales, il n’est pas déplacé de venir assister aux funérailles d’une personne que l’on ne connaît pas. On vous avoue que l’ambiance paraît surréaliste et fait froid dans le dos. Vous êtes libres de circuler non loin des bûchers. Cet endroit et cette tradition permettent tout de même de mieux comprendre leur culture et de se confronter à une autre vision de la mort.
Avant de quitter cet endroit, nous remarquons que des hommes, pelle en main, sont sur des tas de cendres. On nous explique que la tradition veut que les femmes soient incinérées avec leurs bijoux, dents en or, bracelets, c’est donc l’occasion pour les plus pauvres de faire quelques heureuses trouvailles.